jeudi 23 octobre 2014

L’écrivain « monsois » Robert CAZE

L’écrivain « monsois » Robert CAZE

     En entrant dans le cimetière de Mons, sur la première tombe à droite une plaque mentionne :
« Robert CAZE, né le 3 janvier 1853, décédé le 28 mars 1886 ».

     Robert CAZE est le petit-fils de Jean Bernard Emmanuel PAYRET d’ORTAIL (1791 – 1882), maire de Mons de 1856 à 1870 et propriétaire alors du domaine appelé aujourd’hui Trinchant. Sa grand-mère maternelle, Françoise Joséphine (1793 – 1877) est née BLANC au Château de Clairac. Son père Gustave CAZE, marié à Emmanuelle Payret d’Ortail, était avocat et notaire, établi à Toulouse au 25 Rue Boulbonne, puis retiré à Paris.

     Robert CAZE1 avait deux grands frères : Emmanuel Gaston, l’aîné, resté célibataire, et Louis Marie Joseph Albert (1839 – 1905) qui devint général2. Quand Robert est né son père avait 52 ans. Très tôt Robert fut pensionnaire. Dans une de ses oeuvres « L’élève Gendrevin », il fait dire à son personnage ce qu’il a certainement luimême ressenti et vécu alors : « J’ai souffert, je souffre encore de l’internat, de la prison scolaire. J’ai été chassé de quatre ou cinq collèges parisiens … ». En juillet 1885, il écrit à un de ses amis : « J’ai eu une jeunesse triste, toujours pauvre, malgré les ressources dont disposait ma famille ». Il a rompu toute relation avec sa famille à l’exception de sa mère. Anatole France, qui rencontra Robert Caze à l’époque de la Commune de Paris, écrivait : « A sa tenue, on devinait en souriant qu’il avait été bichonné le matin par sa mère et qu’il avait mis ensuite dans ses vêtements un désordre volontaire, pour n’avoir point l’air bourgeois ». 

1 De nombreuses informations et citations de ce document sont extraites de la réédition « Le Martyre d’Annil et La Sortie d’Angèle » établie, préfacée et annotée par Arnaud Bédat et René-Pierre Colin. On peut se procurer cet ouvrage auprès de la Société jurassienne d’Emulation et Du Lérot, éditeurs à Tusson 16140, 2010.

2 Le général CAZE, commandant du 19ème corps d’armée, se trouva à la tête de l’Armée d’Afrique de 1901 à 1904. Sur une photo prise à l’occasion d’un voyage présidentiel en Algérie en 1903, on le voit  aux côtés du Président Loubet. (coll. A.B.).

     Robert venait passer ses vacances chez ses grands-parents à Mons. Arnaud Bedat et René-Pierre Colin, dans leur biographie de Robert Caze mentionnent : « Ses seuls bonheurs, il les connaît pendant les vacances, lorsque la famille retourne à Toulouse et Mons : Robert galopine dans la région, se familiarise avec l’occitan du cru et découvre tous les recoins de la ville rose ».
     
     Militant de la Commune de Paris en 1870-1871, soit à l’âge de 17 - 18 ans, Robert est quelque peu révolutionnaire. Il devra se réfugier en Suisse pendant 7 ans, à partir du printemps 1873, sous un nom d’emprunt « le Marquis de Berzieux ». « Robert Caze se disait hautement anarchiste ; il voulait tout détruire3,». En Suisse, il enseignera la littérature française et l’histoire. Il collaborera aussi à plusieurs journaux locaux, et réalisera plusieurs publications avec l’aide de son beau-père imprimeur. Après l’amnistie des Communards, il rentre à Paris en 1880.

     Il aura deux enfants Roger en 1876, et Emmanuelle en 1878, tous deux nés en Suisse. Roger et Emmanuelle vont à l’école à Mons quand ils viennent chez leurs grandsparents à Trinchant. Roger tourna mal, à la tête d’une bande de cambrioleurs « la bande du Marquis ». Il fut arrêté et condamné en 1898 à 15 ans de travaux forcés et emprisonné au bagne de Guyane. Son oncle Albert, le général, « songea alors à orner son patronyme décidément trop voyant d’un complément emprunté à sa famille maternelle : qui pourrait faire un rapprochement entre le général Caze d’Ortail et un forçat4 ? ». Roger s'évada à deux reprises. La deuxième fois, on perdit sa trace. 

     Emmanuelle s’était liée d’amitié avec Jeanne5, la fille des instituteurs de Mons, Théophile et Honorine Lasserre. Plus tard, mariée avec un industriel, elle revint plusieurs fois à Mons qu’elle aimait bien. Elle logeait alors, avec son mari, au presbytère (actuelle maison des associations) où il y avait une ou deux pièces disponibles.

     Robert CAZE se fait un nom dans le monde littéraire parmi les grands écrivains naturalistes. Il écrivit plus d’une vingtaine d’ouvrages, des recueils de nouvelles, des poèmes, des articles de presse. Certains disent : « il aurait pu figurer parmi les meilleurs écrivains de sa génération et être l’égal de Maupassant, si la mort ne l’avait fauché à 33 ans », et Virgile Rossel qui avait été son élève en Suisse écrivait en avril 1886 « j’ai la conviction que Robert Caze aurait vite passé au premier rang des romanciers contemporains ». Arnaud Bédat et René-Pierre Colin, dans leur biographie6 de Robert
Caze, précisent : « Parmi les jeunes naturalistes, Caze est certainement le plus fécond et le plus respecté de ses pairs ».

3 Propos d’Albertine Ansaldi-Philippe, cités par Arnaud Bédat et René-Pierre Colin, page 31, dans la réedition du Martyre d’Annil, 2010.

4 Arnaud Bédat et René-Pierre Colin, page 67, dans la réédition du Martyre d’Annil, 2010.

5 Plus tard, Emmanuelle Caze-Brouand invita la fille de Jeanne, Marie-Appolonie Forest (maman de Simone Lafont), et ses grands-parents Théophile et Honorine Lasserre, dans sa maison de Trouville,.Marie-Appolonie avait alors 17 ans. (Voir lettre de Simone Lafont – 3 février 2011).

6 Réédition du Martyre d’Annil, 2010, page 47, 

     Robert s’était fait des relations à Paris, il connut Emile Zola, fréquenta le Grenier d’Edmond de Goncourt, il était ami avec Huysmans et Verlaine, et plus tard il fut loué par le pape des surréalistes, André Breton. Il avait ouvert à Paris un salon où se sont rencontrés les célèbres peintres Pissaro, Seurat, et Signac. Une querelle entre écrivains, entre autres avec Charles Vignier qui avait publié contre lui un article minable, l’entraîna dans un duel qui eut lieu le 15 février 1886. Touché au foie, Robert CAZE mourut six semaines plus tard le 28 mars 1886. Le 30 mars, après la cérémonie religieuse en l’église St Vincent-de-Paul à Paris, son cercueil fut acheminé par train à destination de Mons. Un mois plus tard, sa femme mettra en vente tous les livres et correspondances de son mari. Ruinée, elle ne lui survécut qu’une seule année.

     Il écrivit plusieurs études de moeurs dont Le Martyre d’Annil , paru initialement en 1883. Ce roman vient d’être réédité en 2010, par Arnaud Bédat et René-Pierre Colin aux Editions du Lérot et la Société jurassienne d’Emulation que Robert CAZE avait lui-même présidée pendant quelques mois lors de son séjour en Suisse entre 1873 et 1880. La préface de cet ouvrage nous présente toutes les composantes de la vie de l’auteur et son parcours.

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     Annil est née dans le petit village de Castelpezet7 dans la proche banlieue toulousaine. Là, le curé Doumerc lui trouve une place de bonne au domaine de Bordeclose. Après quelques mésaventures, et le décès d’Arnoussac propriétaire du domaine, elle devra chercher du travail ailleurs. Elle rencontrera un amant, Jeanbernat, en se rendant à Toulouse, où elle deviendra marchande de journaux. « C'est tout un monde étonnant et vivant qui surgit sous la plume de Robert Caze, dans le sillage de son héroïne Annil, jeune orpheline fuyant sa campagne et sa misère pour découvrir la Ville rose 8».

7 On ne peut qu’être tenté de faire certains rapprochements entre plusieurs noms de lieux cités dans ce roman et certains lieux de notre commune : Castelpezet pour Mons, Bordeclose pour Trinchant, Blairac pour Clairac, St Saturnin pour St Sernin notre église, …

8 article de la Dépêche, janvier 2011, texte de Joëlle Porcher



Un petit extrait évoquant la campagne monsoise :

     « Elle était arrivée au presbytère. Assis sur un banc de pierre, devant la porte de la maison curiale, l’abbé Doumerc n’avait pas entendu venir Annil. Il rêvait, les yeux fixés sur l’horizon tout enflammé par le soleil couchant. Là-bas, au loin, des villages se perdaient dans la brume du soir et des clochers s’appelaient au son de l’Angélus. On apercevait encore les premières métairies de Fargissou, de Blairac et de Saint-Saturnin. Tout au fond, les Pyrénées traçaient une ligne d’un bleu sombre qui se fondait dans le ciel. »




     Voici l’introduction d’un autre texte de Robert CAZE, présenté le 14 mars 1885, intitulé « La Catinasse » : « Je l’ai connue. Je la vois. Il me semble même que, si j’étais peintre, j’aurais rudement dessiné ce museau horrible. Du reste, si vous doutez de moi, questionnez les gens de Gauré, de Mons, de Flourens, de Saint Martial, du Pin, de Rouquet, de Drémil-Lafage et de Montauriol. Ils en savent long sur son compte. … »

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- Quelques autres titres d’oeuvres de Robert CAZE :
- Les poèmes de la chair, 1873,
- Hymnes à la vie, 1875,
- Ritournelles, poésies, 1879,
- Poèmes rustiques, 1880,
- Femme à soldats, 1884,
- La semaine d’Ursule, 1885,
- La foire aux peintres, 1885,
- Grand-mère, 1886.

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